L'auteur réussit sans aucun doute à restituer le lieu et l'époque où se déroulent l'intrigue de ce court roman : l'été 1972, Washington DC, au moment où va se produire le scandale du Watergate, brièvement évoqué ici. Le roman raconte sous la forme des souvenirs, bien des années plus tard, du détective privé Derek Strange, 'épopée sanglante de Red Fury, un criminel nommé ainsi autant pour sa sauvagerie son teint clair et la couleur de ses cheveux qu'en référence à la voiture de sa petite amie Coco, une Plymouth Fury. Il est beaucoup question de voitures, et encore plus de musique, la plupart des scènes étant accompagnées de leur bande son, c'est à dire qu'est mentionné le titre et l'auteur des chansons qui les accompagnent. Ce petit gimmick permet de marquer l'histoire dans son époque et n'alourdit pas le récit. On est plongé dans la réalité du lieu et de l'époque, quelques années après des émeutes raciales, la lutte pour les droits civiques des Noirs, quand les relations entre les communautés sont encore empreintes de méfiance et d'incompréhension (mais n'est-ce pas toujours le cas ?) C'est le grand intérêt du livre, qui dresse par trop rapidement les portraits d'une galerie de personnages qui ne sont pas forcément assez approfondis à mon goût. On reste un peu sur sa faim avec ce court roman peut-être un peu bâclé, plaisant à lire mais sans grande consistance. On sent un auteur bien documenté sur les agissements qui ont cours aussi bien dans la police que dans les milieux criminels liés à la drogue ou à la prostitution, un auteur qui ne juge pas ses personnages et sait leur éviter l'écueil dans faire des stéréotypes. A ce niveau, on retrouve un peu de la fibre documentaire et réaliste qui fait la force d'une série comme The Wire, dont Pelecanos a été un des scénaristes. Le développement manque néanmoins de suspense et d'émotion, on n'est jamais vraiment pris par l'intrigue ou pressé de connaitre le dénouement. Le lire en anglais permet de découvrir une langue vivante et percutante, parsemée d'argot facile à comprendre : si tout un pan du vocabulaire n'a pas été appris à l'école républicaine il l'a été à l'école du hip-hop. En définitive, un succès sur la forme mais un fond un peu léger pour laisser une impression durable.