Institutrice dévouée, hyperactive et farouchement indépendante voire résolument solitaire, Valentine vit une existence routinière mais bien remplie dans un petit hameau vosgien quand son quotidien est perturbé par l'irruption soudaine un soir d'orage d'un homme et de sa petite fille de 7 ans, malade, dont la roulotte avec laquelle ils sillonnent le pays a été endommagée par les intempéries. L'homme a pris la route avec son enfant à la mort en couches de sa femme et inconsolable, n'imagine pas d'autre existence que cette errance. A moins que Valentine, désireuse mais effrayée d'aimer, et qui s'attache rapidement à Anna-Nina, ne le convainque de rester? La sobriété du style et une certaine élégance dans l'écriture compensent en partie les faiblesses et les facilités de la narration qui manquent de souffle et de tension dramatiques. L'auteur cherche à nous persuader que ses personnages ont des fêlures, plus ou moins importantes, mais ils demeurent malgré tout un peu lisses et trop parfaits. Au delà de leur tristesse respective, ils regorgent de bons sentiments quand on aurait sans doute souhaité un peu plus de colère, de rancoeurs et de mauvaise foi. Le récit esquive les difficultés au profit d'un conte de fées un peu trop convenu : le sexe est fantastique (quand bien même l'homme n'a pas pratiqué depuis 7 ans), la petite fille est exceptionnelle d'intelligence de sensibilité et de compréhension, l'amitié entre les deux instituteurs tient du miracle, le village comme par hasard abrite une thérapeute capable de débloquer les blocages datant de deux générations en une séance. Où sont les jalousies, les envies, les regrets ? Ah, oui, ils viennent plus tard. Que l'inévitable imaginé dès les premières pages se produise n'est pas un problème en soi, de nombreuses comédies américaines ont prospéré sur ce terreau, mais le manque d'accidents de parcours et la trop grande amabilité des personnages empêche l'émotion de naître. En dépit de ces vraies réserves, ce roman est pourtant très agréable à lire alors que je m'attendais à le détester (la littérature française contemporaine gentillette me hérisse le poil). Il menace par instants de sombrer dans la mièvrerie mais évite souvent l'écueil avec grâce et ingénuité : une tournure de phrase, une pointe d'ironie et l'obstacle est franchi. Les dialogues sont plutôt pétillants, la narration est fluide, l'auteur se délecte de métaphores plutôt bien senties et, une fois n'est pas coutume, les scènes de sexe ailleurs souvent ridicules et grotesques sont ici plutôt réussies voire même, pour la première, excitante (en dépit des réserves de fond émises ci-dessus). Bluette au goût du jour qui manque d'aspérités, ce livre bien écrit est néanmoins attachant même si il ne me marquera sans doute pas durablement.